Thursday, March 29, 2007

NOUVELLE COURTE

« Je suis la Brute Humaine…
Ma vie ressemble trop à un lugubre cri, et mon histoire, à une sinistre errance. Car trop de repères et trop de foi ont fait de moi un être cynique, torturé et terriblement homme. Pitoyablement homme. Jusqu’à l’écoeurement … Jusqu’à la fascination… »

A la lecture de ces quelques mots, je frémis inconsciemment. Quels maux terribles, quels déchaînements innomables du sort cet homme-là a dû subir pour arriver à un tel dégoût de soi-même ! Accrochant mon regard trouble, triste et lent comme si cette vague de froide mélancolie commençait à me gagner, le professeur Vladimir Jüng me retire brutalement les quelques feuillets manuscrits que j’avais négligemment récupéré sur l’immense bureau marqueté. Le meuble démesurément large trône au fond d’une pièce vaste et ovale dont le plafond forme en ses hauteurs une voûte mystérieuse. Les murs sont recouverts de panneaux de bois précieux et de lourdes tentures de brocart grenat . Des millers de livres peuplent sagement trois pleines bibliothèques de chêne, ou fuient sur le sol en piles savamment effondrées. Carnets de notes et ouvrages se côtoient effrontément sur de riches tapis de soie et de cachemire.
« Mais qu’est-ce que c’est exactement ? », fais-je, en montrant du menton le petit tas de feuilles écornées, recouvertes d’une écriture élégante mais hâtive. Je me tourne alors vers cette longue silhouette décharnée qu’est le célébre professeur Jüng. Engoncé dans un costume de velours marron, ses fins cheveux coiffés sobrement en arrière, cette sommité de la philosophie et de la psychanalyse, tant admiré et tant haï, me fixe d’un oeil bleu sombre inquisiteur.
« Mais sur quel AUTRE propos Monsieur l’étudiant de quatrième année est-il désireux de s’entretenir ? », me questionne en retour ironiquement ce vieux con orgueilleux. Décidément, je ne peux vraiment pas le supporter. Quel dommage qu’il soit si exécrable de caractère et si brillant en même temps ! Je me borne à lui sourire le plus aimablement possible, ne pouvant contrôler cependant cet éclair de défi impudent traversant mes yeux mi-clos. La tension violente qui règne entre nous deux emplit désormais la pièce d’une atmosphère lourde de sous-entendus et de rancoeurs mal contenues. Je m’attend à ce que le professeur se mette à rire bruyamment comme à son habitude quand il rencontre une opposition soudaine, puis laisser tomber une petite phrase assassine qui clôt alors définitivement toute autre velléité de débat. Or ce dernier continue à me fixer, et son visage laisse paraître un instant un sentiment de profonde tristesse et de douleur sombre. Son regard encore vif quelques secondes auparavant devient trouble, sa pupille glisse sur le côté découvrant un blanc écoeurant veiné de capillaires bleutés. Un mince filet de salive rose coule le long de ses lèvres minces et glissant sur la gorge, souille son col de chemise. Le professeur couche sa tête grise majestueuse sur ses notes et sombre dans l’inconscience sans un bruit.

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Le choc face à cette mort à la fois si violente et si silencieuse me frappe sourdement, Insidieux, vicieux, dérangeant, nihiliste. Impuissant, je commence à réaliser que mon esprit se détache de mon corps, mû comme par l’impérieux chuchotement de quelque shème métaphysique. Toute sensation physique s’estompe ; mes membres se paralysent lentement, glaçés. Mon rythme cardiaque décélère au fur et à mesure que mon esprit se fait plus confus. Ma vision se brouille en un flou rosâtre et orangé et je me sens tomber, déjà loin, sans ressentir la moindre douleur, spectateur de ce que je crois être ma mort. Avant de sombrer pour un pourrissement proche, je remarque deux coulées de sang rouge vif couler avec vivacité, sans que je ne puisse en déterminer la provenance ni le propriétaire. Et si c’était moi ? … « Unplugged »

Flashs de lumières blanches. Trouble et aveuglement. Une douleur effroyable assaillit tout mon corps et ma tête. Je vois confusément des tas de câbles sortir de machines métallisées pour pénétrer ma chair torturée. Qu’est-ce qui m’arrive ? Un choc violent me fait de nouveau perdre connaissance.

Une silhouette se penche vers moi, vacillante ombre devant les néons. On dirait qu’elle veut communiquer avec moi mais je n’entend désespérément qu’un bourdonnemnt odieux qui me fait claquer des dents. Un cri tranche l’air suffocant ; je sens alors une chose liquide s’insinuer dans mes veines, un corps étranger, un poison. La souffrance s’empare progressivemment de moi et broie chaque parcelle de mon corps. Aucun nerf, aucun carré de peau n’échappe à cette torture. Cependant, ma vision se précise et je peux désormais distinguer des nuances de couleur, mon visiteur se devine et se dessine dans la blancheur crue des lampes au dessus de ma tête. C’est un homme au visage émacié, habillé d’une longue combinaison blanche ceintrée, casqué d’un demi-hémisphère de platique translucide légèrement bleuté, auréolé de fils monocolores, fins tentacules synthétiques. Il pose une main ganté de blanc sur mon ventre. Je baisse les yeux sur moi : je suis attaché par de larges sangles noires qui me pressent l’abdomen, les épaules et les genoux. Je suis totalement nu mais aucun réflexe de pudeur ne m’agite, bien trop souffreteux et trop hébété pour tenter le moindre mouvement. Ma peau blanchâtre est striée de fines craquelures rose et jaune sale. Mes membres anormalement gonflés sont bleuis par de mystérieuses congestions d’où émergent des dizaines de fils blancs et noirs. Bichromie capillaire en damier qui parcoure mon corps éclaté, suitant et pantelant.

Un rythme de pas se rapproche, de plus en plus près, de plus en plus près, de plus en plus… Apparaît alors une immense créature bleue sombre. Ou noire, je ne saurait la décrire plus précisément. Je songe que la drogue qu’ils m’ont injecté doit provoquer des effets secondaires. Du Trixol probablement. Ce genre de saloperie que je m’amusais à inhaler quand j’étais encore au lycée scientifique d’Etat avant de partir pour l’Université de Pensée Paramédicale Appliquée. On prenait ça avec de petits brumisateurs bricolés, caché dans un coin de salle avec deux ou trois autres toxicomanes amateurs. Mes yeux bouffis par la drogue et la douleur tentent de lire dans cette masse sombre qui s’agite, un quelconque attribut d’humanité, pour se faire peur une dernière fois… Un étrange vrombissement résonne dans l’espace sonore et distendue de la chambre qui prend maintenant des dimensions cosmiques. Mes dents s’entrechoquent et mon corps tremble horriblement, pris de spasmes nerveux, irréprescibles. J’ai envie de mettre ma tête entre deux portes tellement la douleur devient insupportable. Une torture atroce vrille mes tempes, s’insinuant dans mon cerveau violé par les multiples inséminations neurochimiques qu’il vient de subir. Toute la pièce se réduit à l’intérieur de mon crâne douloureux ; la douleur n’est pas seulement physique, elle se transcende vers mon être même. Les souffrances atteignent mon âme, la tordent et la déchiquètent entre leurs serres impitoyables. Je me sens me disloquer littéralement au milieu de cet univers vibrant et terrifiant. Les aiguilles de mon horloge freinent leur course autrefois imperturbable et se bloquent subitement. Un sursaut aveuglant de lumière blanche brûle mes pupilles brisées. Je comprend alors intuitivement que cette mort qui ne veut pas venir a été dépassée. Je ne suis pas en train de mourir mais de naître. Je sens la mort quitter mon corps et la vie envahir la place dans une brume blanche et fantasmagorique. Je frémis une ultime fois, et je perd conscience… Nul ne sait pour combien de temps je peux survivre dans l’espace, nul ne sait combien de temps peut survivre un poisson rouge dans notre atmosphère, nul ne sait combien de temps peut survivre un homme dans une société qui lui est étrangère. Comme tous, une poignée de secondes, de minutes, une éternité.

6 comments:

Anonymous said...

Aucun commentaire... ?
Je pensais que ce genre de texte faisait reagir.
g.
[qui a note le tableau de Caspar la-haut ; un de mes preferes]

Jr said...

C'est peut-être dans le silence que l'admiration demeure le plus bel hommage au piètre talent.

Dans quel genre voudriez-vous classer ce texte ? ( demanda-t-il d'un air vainement intrigué )

Anonymous said...

"C'est peut-être dans le silence que l'admiration demeure le plus bel hommage au piètre talent."

C'est beau mais triste a dire/lire et meme si la triste beauté a du charme, je préfère encore qu'on parle de mon piètre talent plutot qu'on ne m'en dise rien...

Sinon, un peu tard mais mieux vaut...
Dans le genre épique je le classerais si j'avais le droit. [répondit-elle, absolument sure d'elle]
g.

Jr said...

Je vous remercie alors de me classer dans le genre épique, j'ai toujours rêvé d'écire du Walter Scott ;-)
M. De St G.

Anonymous said...

Au moins, on ne pourra pas dire que c'est comme tout le monde...
g.
[qu'aime pas trop qu'on lui dise vous mais bon]

Anonymous said...

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